TRADAPTAUTEUR


Que se cache-t-il sous ce terme à l'apparence un peu barbare ?

 

Il s'agit là d'un mot-valise composé de TRADUCTEUR, ADAPTATEUR et AUTEUR que j'ai créé en le formant à partir du lexème déjà existant de "tradaptateur" qui, bien que peu utilisé, désigne les professionnels de la "traduction audiovisuelle", c'est-à-dire les auteurs de sous-titres, de textes de doublage et de surimpression vocale (voice over). En effet, il faut bien comprendre que les notions de traduction et d'adaptation sont indissociables, ce sont les deux faces d'une même pièce. La traduction pure n'existe pas dans la mesure où les langues ne sont pas totalement équivalentes entre elles, bien qu'elles puissent appartenir à une même famille linguistique, et surtout parce que tout mot s'inscrit et dépend d'un contexte particulier. L'adaptation est primordiale car elle vise la compréhension la plus totale par le public qui a accès à l'œuvre, qu'elle soit littéraire ou audiovisuelle. Pour bien traduire - ou plutôt, pour bien tradapter - il ne suffit pas de parler une langue étrangère : derrière toute langue s’assoit une culture et c'est la compréhension de tout ce soubassement culturel qu'il faut rendre dans une tradaptation, et ce, dans une langue cible la plus idiomatique, la plus claire et la plus naturelle qui soit. C'est là, bien sûr, la chose la moins aisée, source de toutes les frustrations d'un tradaptauteur mais aussi d'un grand nombre de ses joies. Alors, bien entendu, une création originale s'inscrit pleinement dans ce processus de tradaptation. D'où la mention du mot auteur. Le tradaptauteur participe à la recréation d'une œuvre dans son intégralité ; il y laisse aussi sa marque, son style particuliers. La France est un des rares pays à reconnaître cette dimension artistique à l'auteur de textes tradaptés audiovisuels, ce qui explique que tout tradaptauteur perçoit un "salaire" (prime de commande) une fois son travail effectué ; ensuite, proportionnellement au succès de l'œuvre, il sera rémunéré en droits d'auteur (selon une formule savante à l'issue de laquelle la SACEM fait une microrépartition, tant les variables et les canaux de diffusion des œuvres sont pléthores). Dans la plupart des pays, ce métier n'est pas reconnu : à l'étranger, seule la prime de commande est versée (souvent plus élevée qu'en France, certes, mais parce que les droits d'auteur n'existent pas). Sachant cela, le piratage internet n'est qu'un coup de poignard de plus porté à ces professionnels.

 

C'est la profession à laquelle je me destine depuis longtemps. Alors que beaucoup de mes camarades se demandaient encore ce qu’ils voulaient faire à leur entrée au lycée, j’ai eu la chance de savoir dès l’âge de seize ans que je voulais exercer ce métier si particulier et si méconnu du grand public. Il m’est toujours compliqué d’expliquer ce qui a éveillé mon intérêt pour cette profession. J’ai eu très tôt un œil critique et une ouïe fine sur les procédés de doublage et de sous-titrage mais je dois dire que le métier allie deux éléments qui me passionnent : les langues étrangères et l’audiovisuel (télévision et cinéma, surtout). J’ai orienté ma scolarité dans cette optique, ce qui explique pourquoi j’ai suivi des cours sur le cinéma, la télévision et les médias en général lors de mes deux séjours à l’étranger (Royaume-Uni et États-Unis). J’ai choisi de suivre ces enseignements en complément de ma composante principale qu’était l’anglais dans ce but précis qu’est la tradaptation. En fait, si la langue constitue bien la matière première de ce métier, il n’en reste pas moins qu’une connaissance du milieu cinématographique et télévisuel est un bagage d’importance non négligeable.

 

Après avoir obtenu haut la main mon master recherche (anglais), j'ai donc postulé à l'un des trois programmes universitaires français qui forment à ce métier. En juin 2008, j'ai réussi les tests d'entrée au master professionnel de l'université de Nice-Sophia Antipolis dont j'ai suivi la formation en 2008-2009.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Gino (mardi, 27 octobre 2015 09:14)

    Bonjour,
    Quelle chance de pouvoir exercer sa passion et d'en faire son métier !

Mise au point

Dans les pages qui vont suivre, je vais tenter d'expliciter à grands traits les trois grandes techniques de l'adaptation audiovisuelle que sont le sous-titrage, le doublage et la/le voice-over (ou surimpression vocale). Elles ont chacune leurs spécificités, leurs contraintes particulières et elles répondent à des règles bien précises. Elles ont un but commun : la compréhension d'un programme étranger.

 

Il convient avant tout de rappeler qu'en matière de culture et de biens culturels, la tradaptation, qu'elle soit littéraire, audiovisuelle ou autre, vise cet idéal de compréhension globale sans jamais l'atteindre totalement. Voilà pourquoi les professionnels participent, dans une mesure plus ou moins grande, à la recréation d'une œuvre. Comparer une VO avec sa VF peut avoir un intérêt scolastique très intéressant (je l'ai d'ailleurs fait dans mon mémoire de M2) mais se borner à une simple critique n'apporte rien. Un bien culturel s'inscrit dans un contexte socio-historique particulier et utilise une langue en constante évolution, sous-tendue par la culture du pays. Seules les personnes biculturelles à 100% peuvent entendre, comprendre, saisir une œuvre sans passer par la tradaptation. Tous les autres, à des degrés divers, ont besoin de cette médiation linguistique qui, en tant qu'activité humaine, est, je le répète, partiale et subjective. Et le changement de langue entraîne de fait un glissement culturel. D'où l'importance du mot adaptation : on adapte pour le public d'un pays donné - il faut que le texte fasse sens. Aucune des trois techniques n'est donc parfaite à 100%. Et les critiques sont nombreuses : vous pouvez d'ailleurs donner votre avis en cliquant ici.

 

Le philosophe Gaston Bachelard explique que la langue maternelle, celle de l'éducation, conditionne notre perception du monde. Une langue, par la richesse, la pauvreté, les nuances de ses signes,
découpe le monde d'une façon ou d'une autre. Apprendre une autre langue, c'est apprendre à découper le monde autrement. Ainsi, certaines langues ont des nuances de couleurs innombrables : dès lors, il est possible de percevoir le monde de façon plus nuancée. Les Bretons n'ont qu'un mot pour le bleu et le vert. Les Inuits ont 17 mots pour la neige. Rien qu'avec le langage, les rapports sociaux peuvent être transformés. Dans certaines cultures, le "je" n'existe pas, on n'existe alors que dans le rapport aux autres, on se définit comme étant le fils de quelqu'un, le frère, la femme... En changeant donc de langue, et pour rendre cette subtilité culturelle, le tradaptauteur devra user de ce que sa propre langue lui offre pour, au moins, faire état de ce fait.

Partant de ce principe, outre le fait qu'il est primordial d'apprendre d'autres langues dans un souci de voir le monde différemment et de s'ouvrir à d'autres cultures et modes de pensée, il y a une perte - et une certaine trahison diront certains - quand on passe d'une langue à l'autre. Mais l'idéal que doit viser tout tradaptauteur, quel que soit son domaine d'application, est d'essayer de garder le plus de nuances possibles.

 

Partant de là, le petit nombre de formations qui existent pour devenir un tel professionnel requièrent BAC+5. Malgré tout, elles ne sont pas véritablement reconnues par la profession... La première des qualités est peut-être d'avoir une très bonne culture française et de maîtriser un français impeccable. La seconde est d'avoir une grande connaissance de la langue et de la culture sources, tout en sachant que l'on se heurtera à des idées, mots, concepts parfois inconnus. La recherche est donc extrêmement importante.

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