Les fansubbers et moi

Il convient, avant toute chose, de rappeler que l'activité de ceux que l'on appelle les fansubbers est totalement illégale car elle constitue une infraction aux droits d'auteur. Je rappelle, en effet, que traduire une œuvre sans autorisation des auteurs ou ayant-droit consitue une violation de l’article L 122-4 du Code de propriété intellectuelle. En France, la diffusion de l'œuvre sans autorisation est considérée comme de la contrefaçon.

 

Je parlerai ici des fansubbers qui s'intéressent aux séries et films étatsuniens et non de ceux qui s'intéressent aux mangas. En fait, le fansubbing est né avec les mangas, dans un souci de diffusion d'oeuvres non disponibles dans les pays occidentaux. La démarche avec les "produits" étatsuniens est quelque peu différente.

 

En ce qui concerne la qualité du sous-titrage, c'est une question délicate, d'autant que je n'ai pas mené d'étude et je ne me suis pas mis à regarder tout ce dont les fansubbers étaient capables. Néanmoins, le peu que j'ai vu est assez catastrophique : il n'y a aucun respect des règles de sous-titrage, ce qui fait qu'on a souvent trois ou quatre lignes (voire plus). La conséquence est qu'on ne voit plus l'image. La tendance est aussi à l'explication ou explicitation. On se retrouve donc avec parenthèses et autres crochets - signes typographiques interdits dans la profession - pour donner une note d'explication culturelle ou expliquer un jeu de mots. C'est une espèce de note en bas de page... qui n'a rien à faire là.

Ensuite, la maitrise de la langue source laisse souvent à désirer tant les contresens et autres erreurs pullulent dans les subs. Je ne parle pas des fautes de français et autres barbarismes. Avant de s'essayer à la tradaptation, certains feraient mieux de revoir leur français !

 

La critique est aisée, je l'admets, d'autant que les véritables fans qui se donnent les contraintes des professionnels peuvent se payer le luxe de prendre leur temps et de donner un résultat qui mérite d'être salué mais qui est évidemment plus que rare.

 

Quant à savoir si le fansubbing nuit au sous-titrage professionnel, c'est une question à laquelle je me garderai bien de répondre. J'ose espérer que le spectateur lambda sait faire la différence, bien qu'il y ait sur le marché professionnel de plus en plus de gens qui se disent adaptateurs en sous-titres alors qu'ils feraient mieux de retourner à leur ancien métier et de laisser celui-là aux vrais professionnels ! Et je sais de quoi je parle ! J'aime d'ailleurs à les affubler du nom d'arnactateur ou remplisseur de cases...

D'une certaine façon, je peux comprendre les gens qui veulent faire découvrir à une communauté de fans des programmes inédits que les chaînes de leur pays n'achètent pas ou qui ont peu de chances d'être commercialisés en DVD. Néanmoins, en ce qui concerne les séries et films étatsuniens, le problème réside dans cette volonté de consommation de produits où, parce qu'on ne veut pas attendre, on veut consommer le "produit" tout de suite. Or, pour faire de la qualité, il faut du temps. Alors bien sûr, quand on voit comment certains doublages et sous-titrages officiels sont bâclés, on peut se poser la question. Le fait est malheureusement que l'adaptation audiovisuelle fait partie d'une industrie culturelle, expression qui sonne un peu comme un oxymore mais qui dénote néanmoins la réalité de la chose : l'argent est roi ! On donne rarement le temps et les moyens à un adaptateur de faire le mieux possible.

 

Le problème est sans doute insoluble car Internet est le réseau mondial où les choses sont difficilement régulables. Après tout, l'industrie audiovisuelle, pour sa reconversion, ne peut pas se passer d'Internet - notre futur écran de télévision est finalement notre écran d'ordinateur. C'est bien sûr le mode de consommation qui pose problème où chacun veut tout, tout de suite.

Les gens critiquent la chereté d'une place de cinéma, d'un DVD ou autre mais la culture ne peut tout simplement pas être gratuite. Certes les majors se font beaucoup d'argent là-dessus mais les artistes, petits ou grands, ont droit d'être rémunéré pour leurs créations et pour le succès qu'elles connaissent.

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Version française et doublons

En adaptation audiovisuelle, le sous-titrage est sans doute la technique qui connait le plus de versions d'une même oeuvre. En effet, la méthode est relativement peu coûteuse. Et avec la multiplication des médias et des chaînes et le boom des versions dites multilingues (VM : le programme peut être regardé soit en VF soit en VOSTF), sans parler des DVD à gogo, on pourrait presque compter autant de versions sous-titrées que de supports.

Le film qui sort en salles va être sous-titré par un adaptateur (généralement, un "grand" nom) mais il y a fort à parier que ce ne sera pas lui qui signera l'adaptation en sous-titrage qui sera diffusé sur une chaîne cinéma ou en DVD. En effet, dans la jungle des échanges économiques audiovisuels, il revient moins cher de refaire sous-titrer le "produit" plutôt que de racheter les droits.

 

En doublage, c'est beaucoup plus rare d'avoir plusieurs versions françaises étant donné la cherté du procédé. Mais parfois, certains vieux films vont être redoublés pour être remis au goût du jour. C'est là quelque chose qui me chiffonne dans la mesure où l'oeuvre s'inscrit dans une période socio-culturelle précise et le doublage en sera le reflet. Un vieux film doublé en français, c'est un son différent, un vocabulaire différent, une façon de s'exprimer différente, des voix différentes. Bref, c'est le symbole d'une époque et je ne vois pas au nom de quel principe supérieur on en viendrait à retoucher tout cela. Quand il y a eu censure, là, c'est une autre histoire : en Espagne, où le franquisme a conduit les adaptateurs à trahir parfois l'oeuvre originale, il n'est pas rare d'assister à plusieurs redoublages d'un vieux film. Dans ce cas précis, le redoublage peut se concevoir dans la mesure où on rétablit une vérité que la politique avait faussée. Après, il faudrait, autant que faire se peut, essayer de retrouver le langage de l'époque et le grain du son si particulier que la technique moderne a complètement changé. En France, certains Disney ont été redoublés mais je crois que le phénomène reste assez marginal.

 

Pour la voice-over, technique plus ou moins intermédiaire, c'est une autre histoire. Il arrive assez souvent qu'une chaîne fasse adapter un documentaire et qu'une autre, plutôt que de racheter la VF (ou savoir s'il en existe déjà une), va faire sa propre VF. En fait, chaque chaîne a sa "ligne éditoriale" propre, avec des consignes d'adaptation. En août 2010, j'ai adapté un documentaire sur le blizzard (Raging Planet) pour Discovery HD Showcase qui avait choisi d'intituler la série sur les phénomènes climatiques "Les Colères de Mère Nature". Eh bien dans le même temps, France 5 avait aussi acheté la série, qu'elle a intitulée "La Terre en colère", et elle a donc commandité une adaptation de l'épisode sur le blizzard. Pour avoir vu le travail de ma consoeur lors de sa diffusion, je me suis aperçu que le montage était légèrement différent - sa version à elle était de 3 minutes plus longue - et certains passages de la voix off avaient été omis ou sensiblement modifiés. C'est ça, la ligne éditoriale d'une chaine. Ce documentaire, et donc tous les autres numéros de la série, doivent donc avoir deux versions françaises.

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Le piratage et moi

Après des mois d'attente, le coffret de l'intégrale de Black Lagoon sur lequel j'ai travaillé cinq semaines à l'automne 2009 est sorti le 3 mai 2010. J'étais tout ému de le retrouver en vente sur Internet - mon premier petit bébé !

 

Quelle ne fut pas ma surprise quand, quelques jours plus tard, je me suis aperçu que le tout premier épisode était disponible illégalement sur des plateformes d'échange de fichiers ! Une semaine ne s'était même pas encore écoulée qu'un travail de longue haleine se trouvait déjà donné en pâture aux internautes !

 

C'est alors que j'ai déclaré ma première guerre au pirate ! J'ai facilement retrouvé la trace de celui qui avait mis en ligne l'épisode (il l'annonçait clairement sur un forum : "je vais ripper Black Lagoon"), j'ai contacté l'administrateur du forum et les sept ou huit plateformes sur lesquelles le fichier était disponible. Les réponses ont été très rapides : en moins de 24 heures, le fichier était effacé et n'est désormais plus disponible. Victoire !

 

Malgré tout, le fichier a été téléchargé plusieurs fois et rien ne me dit que ça ne recommencera pas. Et il est évident que je ne peux pas passer ma vie à jouer au petit policier sur la toile, à la recherche des gens qui utilisent mon travail (et celui des premiers ayants droit) impunément.

 

C'est une petit victoire, certes, mais qui met en lumière le problème que pose cette facilité de copie et de transfert. Et cela donne presque raison aux clients qui, sous prétexte que le manga est le genre le plus piraté en ligne, osent baisser leurs tarifs d'adaptation. Un doublage coûte cher, il faut donc maximiser l'investissement. Le piratage étant ce qu'il est, les éditeurs et distributeurs vont subir un manque à gagner, manque à gagner qu'ils répercutent sur l'adaptateur que l'on paiera moins cher pour faire le même travail. Après tout, je vais travailler tout autant, que mon travail soit diffusé à grande ou petite échelle et qu'il soit piraté ou non. Ce n'est pas à moi qu'il faut faire payer le manque à gagner. Libres à eux de faire de la publicité pour le produit et d'empêcher le plus possible tout acte de piratage.

 

J'en appelle donc au bon sens et à la responsabilité des consommateurs et des internautes : en tant qu'auteur, ma rémunération complémentaire sur le travail effectué sera proportionnelle au succès de l'œuvre - c'est ce qu'on appelle le droit d'auteur. Et en cela, il doit être respecté, tout comme les créateurs originaux doivent être respectés.

 

Faire une bande-annonce ou un petit montage de quelques scènes dans le but de faire connaître et promouvoir l'œuvre, passe encore (il faudrait théoriquement demander l'autorisation aux ayants droit), mais mettre en ligne un épisode dans sa totalité ou le contenu intégral d'un DVD est interdit, illégal et, de ce fait, passible de sanction.

 

NON au téléchargement illégal et au piratage des œuvres audiovisuelles, quelles qu'elles soient !

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Les titres de films et moi

Qui ne s'est jamais demandé pourquoi certains titres de films/séries étaient traduits en français et d'autres non ?

 

La réponse est la suivante : c'est le distributeur français qui choisit ou non de donner un titre en français, titre parfois suggéré par l'adaptateur (qui donne souvent plusieurs choix). En effet, tout comme un auteur littéraire n'a pas vraiment son mot à dire quant à la première de couverture de son livre, l'adaptateur d'un film ou d'une série n'a jamais vraiment le dernier mot pour le titre dudit programme. Parce qu'il s'agit de marketing et de créer un effet d'appel aux spectateurs.

A vrai dire, quand on voit des titres à rallonge et imprononçables, on se demande vraiment si l'avoir gardé en anglais était la bonne solution, surtout quand la prononciation originale est complètement esquintée. Et si je précise "anglais", c'est parce qu'il est extrêmement rare de trouver un film allemand/italien/espagnol/ou d'une autre langue avec son titre original, à moins qu'il ne s'agisse du nom du héros ou de la ville où se déroule l'action.

Alors oui, deux poids deux mesures, semble-t-il. Et c'est une chose on ne peut plus paradoxale quand on sait que chez nous, dans notre langue, certaines instances essaient de réguler la quantité d'emprunts à l'anglais. Nous avons même eu des lois à cet effet, nous avons une commission et une délégation qui essaient tant bien que mal de trouver un équivalent français aux mots anglais. Avec plus ou moins de succès. Alors pourquoi ne pas appliquer cela aux films/séries.

Je suis d'avis d'avoir un titre français, à moins vraiment que le titre original soit tout bonnement intraduisible (or, il sera toujours adaptable) comme par exemple la série Mad Men, qui est, comme le dit le générique, un terme inventé pour désigner les publicitaires qui avaient leur bureau sur MADison Avenue, et un jeu de mots sur AD Men (publicitaire, en anglais). Dans ce cas précis, il est bon de laisser l'original vu que le programme nous apprend quelque chose de culturel qui est purement explicité.

Le comble du comble, c'est quand un titre original va être modifié par un titre... en anglais. L'exemple qui me vient à l'esprit, c'est Sexy Movie, titre "français" du film étatsunien intitulé Date Movie. Je trouve ça complètement ridicule ! Et que pensez de la série étatsunienne du moment The Mentalist que TF1 nous livre à une sauce immangeable (sans parler de la diffusion des épisodes dans le désordre) sous le titre Mentalist ?

 

Alors oui, le titre est extrêmement important et peut donc demander un gros effort d'imagination. Je pense qu'un adaptateur peut passer des heures à s'arracher les cheveux pour trouver un titre percutant qui dit ce qu'il faut pour titiller la curiosité du spectateur. Il est donc dommage qu'on n'est pas plus d'originalité à ce niveau-là...

 

Un article à ce sujet et un second.

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Compléments

Voici un article intéressant, bien qu'émaillé de fautes, sur le sujet sur slate.fr.

Et en voici un autre sur excessif.com.